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Pensée et Pratique culturelles au Maroc

Pensée et Pratique culturelles au Maroc

Pensées et Pratiques

L'Atelier itinérant Pensée et Pratique (P&P), à l’initiative de la Fondation René Seydoux, s'est réuni du 22 au 24 janvier 2015 à Casablanca pour analyser les conditions de la vie culturelle au Maroc dans une perspective méditerranéenne.

Lancé en 2012 à l'initiative de la Fondation René Seydoux, Pensée et pratiques est un groupe informel et itinérant créé par des personnes engagées dans une action internationale entre les deux rives de la Méditerranée comme Héla Ammar, artiste visuelle et universitaire de Tunis, Isaías Barreñada, politologue et membre du Réseau EuroMed des Droits de l'Homme, Roland Biache de Solidarité Laïque, Claire Duport, chercheuse en sociologie et anthropologie urbaines à l'Université Aix-Marseille et membre de Transverscité, Ahmed el Attar, metteur en scène égyptien, Fanny Bouquerel de Association Amunì à Palerme, spécialiste des politiques culturelles en Méditerranée, Elizabeth Grech, traductrice; et Giovanna Tanzarella de la Fondation Renée Seydoux.

L'idée est venue lorsque les bouleversements politiques qui ont secoué de nombreux pas de la rive Sud ont provoqué chez les acteurs culturels la crainte d’être dépassés par la rapidité des changements. Dans ce moment délicat, ces derniers ont souhaité maintenir entre eux un contact leur permettant de penser ensemble. Leur but n'était pas de faire un plaidoyer politique et culturel direct, mais d'y contribuer à travers leurs analyses et leurs connaissances empiriques. Leur ambition, en tant que groupe engagé à géographie variable était de produire une parole pertinente et fondée, un argumentaire qui mette en avant leurs besoins et leurs priorités.

Les premières réunions du groupe ont eu lieu à Marseille, Beyrouth, le Caire, et Paris. Une dernière rencontre s'est tenue à Casablanca du 22 au 24 janvier 2015 en présence de certains membres fondateurs de P&P et d'acteurs culturels marocains et internationaux dont Claudine Dussollier, géographe et responsable  de projets culturels et multimédia à Transvercité; André Akusta, consultant de Noria-DP à Marseille; Hassan El Geretly, directeur de la Compagnie El Warsha; Limam Kane, producteur de musique, ZAZA Productions à Nouakchott; Driss Ksikes, dramaturge marocain et journaliste; Marc Mercier, réalisateur et directeur du Festival Instants Vidéo à Marseille; Gerarda Ventura de l'Association Con.Me., Plateforme EuroMed des ONG à Rome; Samy Abdelguerfi, journaliste algérien indépendant, membre d'Arterial Network ainsi que d’autres intervenants.

Lors de leur discussion à Casablanca, ces acteurs se sont interrogés sur les conditions propices à leur travail culturel, éducatif et artistique. Ils avaient été invités à faire au préalable un effort théorique de définition d’indicateurs, mais aussi à raconter leurs expériences concrètes dans le domaine de la culture,  y compris des success stories qui ont vu le jour en dépit de conditions défavorables.

Cependant cette volonté d’élaborer une grille d'indicateurs a provoqué une réaction de méfiance au sein du groupe. Certains pensant que les indicateurs sont du ressort des États, d'autres la percevant comme une tentative d’enfermer la réalité vécue dans un cadre figé.

La discussion a montré également que les acteurs culturels connaissent des conditions semblables dans leurs pays respectifs, et dans des environnements plus ou moins favorables. Ils sont unanimement animés par une même volonté de changement qui s’est aiguisée sur le long terme, bien au-delà du temps court des événements révolutionnaires.  

Ces derniers ont tous été confrontés, à des degrés différents, à des contraintes et à un environnement plus ou moins hostile, d'où le sentiment qu'il aurait été préférable d’inverser la démarche, et de rechercher d’abord les lacunes et les manques permettant d’initier une démarche politique (plaidoyer et argumentaire) plaçant les projets artistiques et culturels au centre du débat, afin qu’ils deviennent des leviers de la transformation sociale.

Au cours des discussions, il est apparu également que les opérateurs culturels et les artistes ont tous de nombreux points en commun avec les autres secteurs de la société civile indépendante (défenseurs des droits de l’hommes, militants des droits économiques et sociaux, acteurs du développement). Leurs organisations travaillent en effet dans des conditions similaires. Tous connaissent également les mêmes difficultés de «dialogue» avec les autorités publiques, en ce qui concerne les questions de gouvernance et la non-participation à l’élaboration des politiques culturelles et sociales.

Pour finir, certains ont exprimé le souhait de ne pas abandonner la perspective de travail proposée sur l’enabling environment. A la lumière du travail produit par les États généraux de la Culture au Maroc, l’idée d’une grille pourrait être maintenue parce qu'elle pourrait permettre de mettre en lumière des modes opératoires et des modèles à suivre.

A la fin, des expériences précises et réussies du domaine culturel marocain ont été questionnées en présence de leurs responsables : celle de la compagnie de théâtre Dabateatr (Rabat) www.dabateatr.com qui a su créer dans le paysage culturel marocain un espace citoyen de discussion et de confrontation à travers ses activités théâtrales mensuelles "Dabateatr Citoyen", et celle de l'Association Racine www.racines.ma qui a mené pendant trois ans, en collaboration avec les institutions publiques, la société civile et les acteurs culturels, un diagnostic et un inventaire de l'état des lieux de l’art et de la culture au Maroc. Ainsi des recommandations pour la mise en place d’une politique culturelle marocaine ont pu être établies.

Pour mieux comprendre le fonctionnement du secteur culturel indépendant au Maroc, le collectif a été accueilli par Hassan Darsi à l'Atelier de la Source du Lion, par Nisrine Chiba à l'Espace Darja, et par Mohamed el Hassouni  au Théâtre nomade situé aux Abattoirs. La discussion a porté sur le fonctionnement de ces lieux, les difficultés rencontrées et la manière dont ces expériences positives s'inscrivent dans le tissu social et les quartiers où elles sont basées.

Outre ces expériences marocaines, une présentation a été faite des activités de l'association Carovana à Cagliari en Sardaigne dirigée par Ornella D’Agostino. Pendant plus de 15 ans, cette chorégraphe a mené un travail intellectuel et politique en réseau pour développer une approche interdisciplinaire sur le corps et l'identité dans l'espace méditerranéen.

Une réunion de bilan de la rencontre s’est tenue à l’issue de ces échanges et a permis de dégager quelques pistes de travail pour les mois à venir :

  • travailler sur le discours, le langage, et sur l'argumentaire du groupe, ce qui serait utile pour les batailles futures ;
  • organiser une prochaine étape en Grèce ;
  • rendre les échanges plus continus à l’aide du blog qui doit être repensé: un appel à contribution a été lancé par le collectif P&P pour la rédaction de textes courts et simples qui permettent de nourrir et approfondir réflexions, les liens et échanges.

Contenu produit en collaboration avec Babelmed